Fabriques prospectives

En 2040, quelle place pour les seniors dans les petites villes ?

Un coupe de seniors assis à une table vu de face. Devant eux, flouté un homme en blouse blanche.
DR

L’ANCT a organisé une Fabrique prospective intitulée « Dans un monde en transition, être sénior demain dans une petite ville », en lien avec son programme Petites Villes de demain. Ses équipes ont accompagné huit communes, de janvier 2022 à janvier 2023. Des élus et chef de projet de projet – situés en Isère, Charente-Maritime et Guadeloupe – témoignent de l’intérêt de cette démarche.

Commune de Jonzac (17) - 3 519 habitants 

Portrait en 3/4 de Barbara Lanchamp, appuyée contre un mur, en robe noire, cheveux bruns longs.
DR ANCT

En quoi le vieillissement de la population est-il un enjeu pour l’avenir de votre ville ?

On sait que, d’ici une vingtaine d’années, la population âgée va augmenter. Chez nous, on va passer la barre des 30 % de seniors, donc ça commence à être important. Nous sommes aussi une ville thermale, qui reçoit beaucoup de gens en cure et qui, ensuite, viennent habiter localement parce qu’il fait bon vivre et qu’il y a toutes les infrastructures nécessaires, comme des services hospitaliers. Les gens ont envie de finir leurs jours dans notre petite ville de demain, au soleil.

Ces tendances vont nous demander d’adapter notre action publique : adaptation de l’offre en logements, services et équipements adaptés, maintien du cadre de vie, etc. Repenser l’environnement pour l’adapter aux besoins du vieillissement est un défi important car les personnes âgées ont besoin de vivre dans un milieu qui réponde à leurs besoins.

Quelles sont les actions que vous avez coconstruites dans le cadre de la Fabrique prospective pour répondre à cet enjeu ?

Nous menons plusieurs actions. Pour commencer, on s’est rendu compte que notre communauté de communes de la Haute-Saintonge (129 communes) disposait déjà d’un un certain nombre d’outils. Mais, nous avions vraiment un souci de communication pour faire savoir à tous nos résidents ce qui est à leur disposition. Donc, on a eu l’idée de faire un guide pour les habitants qui centraliserait tous les services disponibles auprès de la mairie et de l’EPCI.

La deuxième action phare, c’est la végétalisation. On avait mis une toiture végétale artificielle dans la rue principale à des fins esthétiques. Or, nous nous sommes rendu compte que les gens appréciaient énormément de pouvoir circuler dans les rues piétonnes à l’ombre, lors des grandes périodes de chaleur. Cela nous a ouvert le champ des possibles.

Nous avons décidé d’accentuer notre travail sur ce point car, malgré des îlots de verdure, nous sommes une ville très minérale, surtout au cœur même de la Jonzac : l’église, le château, les carmes… Notre objectif est de créer des coins végétaux, des points d’assises de repos ombragés, comme des ombrières, qui s’inscrivent dans l’image de la ville, celle de Jonzac ville d’eau.

Que vous a apporté la Fabrique prospective dans cette démarche ?

Elle nous a suggéré un questionnement très intéressant. Grâce à cette Fabrique prospective, nous avons réalisé que nous avions mis beaucoup de choses en place, mais que ce qui manquait énormément, c’était l’information. Un certain nombre de choses sont déjà faites pour que les gens puissent rester à domicile un maximum de temps.

Ensuite, elle nous a incités à conduire une concertation citoyenne, car nous voulions développer le sujet de bien vieillir à Jonzac, son devenir et l’adapter au vieillissement. On avait ouvert cette consultation citoyenne à des habitants qui n’avaient pas plus de 60 ans. Or, les personnes intéressées avaient plus de 60 ans. Lors de cette consultation, ce sont les mêmes sujets qui sont revenus, travaillés en amont durant les différents séminaires en groupes de travail : le maintien à domicile des seniors et la végétalisation.

Cela a fait émerger l’idée qu’il fallait aussi travailler sur la mobilité, le déplacement et les nouveaux comportements sociaux liés à l’âge de la vie. On a également compris que la population plus âgée aimait aller au marché, aller à la rencontre des gens et, surtout, qu’elle avait besoin de communication. Ce sont des éléments qu’on n’avait pas forcément intégrés.

La Fabrique prospective nous a ouvert les yeux sur ces besoins et la nécessité de travailler avec ces personnes qui sont des « jeunes-vieux », qui veulent vivre avec des « jeunes-jeunes ». S’ils s’installent dans nos villes, c’est parce qu’il y a de la jeunesse, de la vie, parce qu’il se passe des choses, que c’est actif et moderne. Les seniors n’ont pas envie de s’enfermer dans des lieux où ça soit le calme permanent.

Commune de Morne-à-l’Eau (971) - 16 495 habitants

Portrait en 3/4 d'Arnaud Naraïnin en costume bleu, chemise blanche, cheveux noirs courts et souriant.
DR

En quoi le vieillissement de la population est un enjeu pour l’avenir de votre ville ?

C’est arithmétique ! Notre population vieillit, aujourd’hui : les chiffres de l’Insee montrent une part croissante des tranches d’âges 45-59, 60-74 et 75 et plus. Selon l’Observatoire de territoires, La Guadeloupe sera, à l’horizon 2050, le 6e département le plus vieux de France !

Il est donc plus que temps d’accompagner cette transition démographique en créant les conditions du bien vivre à horizon 2023, 2030, 2040, 2050, etc.

Notre parti pris, c’est rendre le bourg plus attractif à travers une approche intégrée. Travailler en transversalité sur les commerces et services de proximité, le logement et l’espace public garantit le bien vivre pour les seniors et, par la même occasion, attirer des populations jeunes pour ralentir le phénomène de vieillissement.

C’est riche en défis, en particulier au sein de petits territoires dans lesquels on peut opérer de vraies transitions et répondre ainsi à des enjeux nationaux.

Quelles sont les actions que vous avez coconstruites dans le cadre de la Fabrique prospective pour répondre à cet enjeu ?

La ville de Morne-à-l’Eau mène un travail de concertation sur ces thématiques, depuis de nombreuses années. Ses actions sont nombreuses.

Dans le cadre de la Fabrique, nous avons mené une réflexion partagée autour de nombreuses thématiques, dont :

  • le maillage et l’interconnexion des sections périphériques au centre-bourg (transport rural/urbain adapté aux séniors…) ;
  • la densification et la diversification de l’offre commerciale et de services en centre-bourg (locaux de bonnes factures en rez-de-chaussée, diversité de l’offre, mise en place des « lolo »…) ;
  • l’accompagnement à la transmission des savoirs entre les générations.

L’enjeu de l’offre de logement et de l’espace public adaptée reste central. Il s’agit d’adapter l’espace public (accessibilité, îlot de fraîcheur, mobilier) et d’améliorer le logement privé et, enfin, de proposer une offre de logement spécifique aux seniors, à l’instar d’une résidence intergénérationnelle.

Que vous a apporté la Fabrique prospective dans cette démarche ?

La Fabrique est une belle opportunité de partager et de poursuivre les réflexions engagées depuis de nombreuses années. L’accompagnement et les outils d’intelligence collective ont eu un effet accélérateur sur les propositions d’action.

Comme indiqué lors du séminaire intersites final, la réflexion pionnière de nos territoires doit désormais être transformée en expérimentation concrète de certaines actions pour continuer la démonstration.

Un fléchage de deux ou trois actions par Petite Ville de demain inscrite dans la Fabrique, combiné à un financement spécifique, répond à plusieurs objectifs :

  • donner à voir à la population contributrice des réflexions, voire à l’ensemble de la population ;
  • préfigurer l’adaptation aux enjeux du bien vieillir à travers quelques actions à impact ;
  • bénéficier d’un vrai « retour d’expériences » dans l’opérationnel (identifier les freins, leviers, avantages, inconvénients de ces actions dans les petites villes) ;
  • engager un travail partenarial avec les acteurs opérationnels de la ville sur ces thématiques du bien vieillir (ceux qui ne sont pas sollicités, à ce stade, et qui doivent également intégrer cette transition démographique dans leur approche).

Commune de La Côte-Saint-André (38) -
4 829 habitants

Portrait en buste de Joël Gullon, en cosutme, chemise et cravate bleus, cheveux courts gris et lunettes.
DR ANCT

En quoi le vieillissement de la population est-il un enjeu pour l’avenir de votre ville ?

Dans ma commune, 31 % de la population a plus de 65 ans. Et toutes les statistiques montrent que la population vieillit, en France. On sait que ces chiffres vont continuer à augmenter, que l’on va vivre de plus en plus longtemps et donc compter plus de séniors. C’est donc un vrai enjeu de préparer la ville de demain.

Les seniors vont prendre une place de plus en plus importante dans la société et à notamment à La Côte-Sainte-André puisque nous offrons de nombreux commerces et services. Notre attractivité attire les seniors qui recherchent un cadre de vie agréable, situé entre Grenoble, Lyon et Valence.

Quelles sont les actions que vous avez coconstruites dans le cadre de la Fabrique prospective pour répondre à cet enjeu ?

La première action concrète, c’est déjà de réunir l’ensemble des partenaires sociaux : médicaux, médico-sociaux, associatifs, culturels, aides à domicile. Tous ceux qui interviennent, jusqu’aux pompiers et gendarmes. Tous ces acteurs, qui interviennent en direct ou en indirect auprès des seniors, ont pu se mettre autour de la table et nous aider à construire une politique qui a un intérêt pour les seniors d’aujourd’hui et de ceux de demain.

Cela nous permet d’aller un peu plus loin. En effet, ce n’est pas le senior en tant que personne qu’il faut prendre en considération, mais tout son environnement :

  • l’environnement géographique puisque qu’il a son domicile à côté de l’espace public et des commerces et qu’il se déplace dans la ville ;
  • son environnement social et le bien vivre ensemble : je suis tout seul, quel est mon voisin, quelles sont mes loisirs, mes fréquentations dans les associations, quelles sont mes relations avec les autres ?
  • et puis, un troisième environnement qui nous paraît important surtout en 2040 : l’environnement numérique, le virtuel. C’est-à-dire, comment fait-on à travers cet environnement numérique pour ne pas être coupé du monde.

Comment fait-on cohabiter ces trois environnements ? On part d’un constat : si je ne suis pas mobile chez moi, je ne peux plus vivre ; si je ne suis pas mobile dans mon quartier, je ne peux pas y faire mes courses ; si je ne suis pas mobile sur l’ensemble de la ville, ça ne marche pas non plus. Il y a certes le logement, la nourriture, le quotidien, mais si un senior n’a plus de réseau ni de relations sociales, il ne fait plus rien.

Tous ces champs sont reliés. Cela nécessite une approche transversale, dans laquelle notre priorité, c’est la mobilité : comment on met en place l’arrêt de la conduite des seniors pour les inciter à recourir au covoiturage ? Quel usage a-t-il, dans son quotidien, des services autour de chez lui ?

Que vous a apporté la Fabrique prospective dans cette démarche ?

Elle nous a rappelé l’importance de la place des seniors, actuellement. Et, elle nous a surtout incités à anticiper demain. De fait, les seniors d’aujourd’hui sont dans l’urgence. Eux, ils savent que les jours sont comptés, si bien qu’une politique faite dans deux ou trois ans, ça les dépasse. Eux, ils ont besoin de concret : en sortie d’hôpital, comment vont-ils pouvoir rentrer chez eux et être accompagnés ? Mais, si on veut ne plus subir en permanence toutes ces problématiques évoquées sur les environnements, il faut qu’on s’occupe des seniors de demain, c’est-à-dire nous-mêmes !

Je remercie l’ensemble des partenaires de la Fabrique parce que prendre le temps de se projeter, d’avoir une vue globale et d’avenir, c’est, à la fois, un jeu de rôles mais aussi un jeu nécessaire pour considérer la globalité de la demande et des besoins.

Lobjectif
Cette Fabrique prospective visait à identifier comment les petites villes peuvent anticiper les phénomènes de « gérontocroissance » et le vieillissement de leur population résidente et s’y adapter, afin d’être des territoires du « bien vieillir », en France. Les Petites Villes de demain participantes ont ainsi été invitées à se projeter en 2040. Le but : identifier les besoins des futures personnes âgées en considérant les transitions qui s’annoncent (numérique, économique, liées aux modes de vie et au changement climatique).

Les partenaires
Cette démarche a été cofinancée par la Banque des territoires et la Direction générale des outre-mer (DGOM). Elle a été conduite avec l’Association des petites villes de France (APVF), l’Association des maires ruraux de France (AMRF), Intercommunalités de France, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la Direction générale de l’aménagement du logement et de la nature (DGALN), l’Agence nationale de l’habitat (Anah), le réseau francophone des Villes amies des aînés (RFVAA) et l’université de Lorraine.

 

Pour aller plus loin

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