Entretien

L’ANCT, une « boîte à outils » à l’épreuve du terrain

Photo de C. Bouillon, cheveux gris court et sotume gris, assis devant une table en verre, en train de parle et de faire des gestes avec ses mains. Derrière lui, le portrait officiel du président de la République est accrché au mur.
© Kenzy Boukhtouche / ANCT

Christophe Bouillon, maire et président de l’Association des petites villes de France, préside l’Agence nationale de la cohésion des territoires depuis décembre dernier. Il entend allier « le bon sens et le pragmatisme » des maires à l’expertise et aux dispositifs de l’ANCT pour concrétiser les projets de territoires.

Il faut que les collectivités aient le réflexe de faire appel à nous et que l’ANCT, localement, soit en pleine capacité de bien les accompagner. La vision du projet, c’est celle du maire et de ceux qui administrent ou animent un territoire. Les outils, c’est l’ANCT. »  

Christophe Bouillon, président de l’ANCT

Vous connaissez bien l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), créée en 2020. Comment envisagez-vous votre présidence ?

Il est vrai que je siège, depuis le début, au sein de son conseil d’administration. Et mieux, avant, j’ai participé au débat qui l’a fait naître, en tant que parlementaire.

L’ANCT, c’est d’abord une agence pour les territoires. Sa vocation première, c’est la cohésion territoriale. Je pense que c’est une boîte à outils, qui doit être utilisée par ceux qui en ont le plus besoin.

En tant que président du conseil d’administration, mon rôle et ma vocation consistent à veiller à la bonne articulation de l’ensemble des dispositifs, à leur bonne appréhension par les acteurs locaux et à la bonne mobilisation des moyens qui nous sont confiés.

Au sein même du conseil d’administration, nous avons la chance d’avoir des représentants de différentes fédérations de collectivités. Celles-ci couvrent l’ensemble du territoire national et de ses enjeux : accès aux services publics, au numérique, réindustrialisation, transition écologique, mobilité… S’y ajoutent, bien évidemment, les services de l’État et nos partenaires. Nous avons ainsi en main tous les outils et toutes les compétences nécessaires pour réussir cette cohésion des territoires.

Après ses trois années de structuration, quels sont, à vos yeux, les points forts de l’Agence et ses axes d’évolution ?

C’est une jeune agence. Mais, elle a déjà derrière elle un bon bilan dans le sens où les dispositifs qu’elle gère en direct sont bien déployés et appréhendés à l’échelle des territoires. À travers le pays, l’ANCT a, par exemple, contribué à l’ouverture de plus de 2 500 maisons France services et à répondre à une vraie ambition numérique, qui se traduit concrètement dans les territoires : installation de la fibre optique, d’antennes pour la 4G, etc.

Petites Villes de demain, le programme le plus récent de l’Agence, porte déjà ses fruits avec plus de 1 600 communes concernées. Action cœur de ville amorce sa deuxième génération ; de nombreuses mesures de l’Agenda rural sont mises en œuvre, et 200 Cités éducatives accompagnent 700 000 enfants et jeunes dans leur parcours de réussite scolaire, dans les quartiers prioritaires… Bref, on a une agence qui, aujourd’hui, agit concrètement dans les territoires.

L’objectif, maintenant, est d’atteindre une amplification, une consolidation et une meilleure visibilité de ces actions. Dans le domaine de l’appui en ingénierie et du sur mesure, l’ANCT doit être encore plus efficace et plus à l’écoute.

Il faut que les collectivités aient le réflexe de faire appel à nous et que l’ANCT, localement, soit en pleine capacité de bien les accompagner. La vision du projet, c’est celle du maire et de ceux qui administrent ou animent un territoire. Les outils, c’est l’ANCT. C’est à elle de se mettre à la disposition de cette vision pour permettre au territoire de réaliser son projet.

L’ANCT agit en concertation, et en réseau, avec ses délégués territoriaux et ses partenaires, les collectivités, les acteurs locaux, ainsi que les ministères et les services de l’État. Comment qualifier cet ancrage, à tous les échelons du territoire ?

L’ANCT est constituée d’un réseau de compétences, qu’elle doit savoir mobiliser : l’État local, ses agents… Pour réussir l’accompagnement, le sur mesure, et être encore meilleure en termes d’ingénierie, il importe de bien concentrer les moyens, là où il y a des besoins. Par exemple, on a parfois des experts qui sont positionnés dans un département mais qui peuvent intéresser un autre département voisin.

À partir du moment où elle a une bonne compréhension de ce qui se passe sur le terrain et des enjeux, l’Agence doit aller chercher les compétences et les mobiliser au bénéfice du projet du territoire.

Ce n’est pas au maire, ce n’est pas à l’élu local qui porte la vision, d’aller sonner à toutes les portes. C’est vraiment à l’ANCT de lui apporter les compétences nécessaires, clé en main, pour lui permettre de réaliser sa vision.

Vous êtes également maire Barentin (12 300 habitants), en Seine-Maritime, et président de l’Association des petites villes de France. Qu’est-ce que cette double casquette vous apporte pour envisager et aborder l’orientation des actions de l’ANCT ?

Je parle la « langue des maires », qui est presque une langue maternelle ! J’ai une vision de ce que l’ANCT porte comme programmes et dispositifs, mais je sais aussi quelles sont les préoccupations des élus locaux, au quotidien.

Chez beaucoup de maires, il y a une bonne dose de bon sens et de pragmatisme. Je crois que c’est important car, sur le papier, on peut considérer qu’un programme est excellent et efficient, mais c’est bien de le mettre à l’épreuve du terrain…

Cette mise à l’épreuve, c’est ce que je souhaite apporter comme contribution. Et cela, je ne le fais pas tout seul. On a la chance, encore une fois, d’avoir des élus de terrain au conseil d’administration, engagés dans différentes fonctions ; c’est utile à l’Agence. D’ailleurs, quand l’ANCT a été pensée, la contribution des territoires a été importante.

Mon vrai sujet, ce sont les allers-retours permanents entre ma fonction d’élu et cette fonction de président de l’ANCT. Il ne s’agit pas, pour moi, de mettre au vestiaire mes habits de maire quand je suis à l’ANCT !

Si vous deviez définir en trois mots l’apport de l’ANCT aux territoires fragiles, quels seraient-ils ?

Expert : c’est son histoire, ses compétences en interne et aussi sa capacité de mobiliser d’autres savoir-faire dans le réseau de l’État.

Ensemblier : au niveau local, quand on porte un projet, la difficulté est souvent de savoir comment s’y prendre, comment ça se passe, qui peut m’aider à impliquer les opérateurs pour accomplir cette vision... L’ANCT met autour de la table des opérateurs qui se complètent.

Innovation : l’ANCT a une forme d’agilité et la capacité de faire bouger les lignes, par exemple avec son Incubateur des territoires, sur l’accès au numérique, etc.

De même, trois mots-clés pour qualifier l’engagement de ses équipes, au siège et dans les régions ?

Derrière l’Agence, il y a des experts. Les collaborateurs de l’Agence nationale de la cohésion des territoires sont des agents de passion et d’action. Ils ont une haute idée du service de l’État et de ce que peut apporter une agence comme la nôtre.

Surtout, ils ont à l’esprit la raison d’être de l’ANCT : la cohésion des territoires. Ce n’est pas un vain mot. C’est ce qui les habite et les motive.

Ce qu’il faut maintenant, c’est que cette vocation soit entraînée et entraînante. Cette force, cette énergie, il faut la rendre encore plus efficiente au service des territoires.