L'invité

Olivier Faron, administrateur général du Cnam

Le Conservatoire national des arts et métiers s’apprête à lancer, fin mars, un deuxième appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour ouvrir des espaces de formation dans les territoires. Son ambition : ouvrir 100 nouveaux centres pour contribuer à la revitalisation des villes moyennes d’Action Cœur de Ville et à la montée en compétences dans les Territoires d’industrie, deux programmes nationaux que pilote l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Entretien avec Olivier Faron, administrateur général du Cnam.

En septembre dernier, le Cnam a dévoilé les 55 villes moyennes, lauréates du premier AMI, où il va ouvrir de nouveaux points d’accès à la formation. À quels besoins cela répond-il ?

Nous avons lancé ce projet sur deux constats. Le premier, c’est qu’un certain nombre de villes françaises – les villes moyennes, les villes en dehors des très grands axes de transport et de communication – souffrent d’un déficit de compétences patent, qui leur permettraient un développement économique et social.

Ce déficit a d’abord un impact économique, car les compétences sont nécessaires au développement des entreprises et des secteurs d’activité ainsi qu’à la revitalisation des centres-villes. Ce déficit est dû au fait qu’un certain nombre de jeunes de ces villes moyennes, surtout ceux qui ont les meilleurs résultats scolaires, partent étudier dans les métropoles, et qu’ils ne reviennent pas sur le territoire. La question est donc qui portera le développement économique, à l’avenir ?

Deuxième constat : l’effort sans précédent du Gouvernement pour développer les compétences, avec le compte personnel de formation, le Plan d’investissement dans les compétences déployé avec les Régions, l’action très soutenue en faveur de l’apprentissage…

"En résumé, il y a, d’un côté, un besoin et, de l’autre, un levier. Et, ce qui est très important pour nous, c’est que les élus – de façon individuelle ou à travers leurs associations – sont très sensibles, ce qui est relativement récent, à la manière d’assurer la montée en compétences. Le Cnam étant le grand établissement public de la formation professionnelle, il a donc joué cette carte."

Nous avions déjà imaginé de développer des centres sur les territoires, mais sans avoir le bon effet levier que propose Action Cœur de Ville. Cette opération a été, pour nous, une formidable occasion et une marque de notre engagement dans la cohésion territoriale. Nous projetons de passer de 150 à 250 points d’accès à la formation. Nous doublerons quasiment ainsi, en deux ou trois ans, notre implantation territoriale.

Comment travaillez-vous avec les équipes de l’ANCT pour vous inscrire dans ce programme de revitalisation des villes moyennes ?

Pour monter ces centres de formation professionnalisant, le Cnam a travaillé avec les équipes de l’ANCT qui animent Action Cœur de Ville et se sont montrées très réactives. Nous nous sommes appuyés sur l’agrégation des forces pour construire ensemble cette offre de formation.

Le programme Action Cœur de Ville nous a donné une formidable occasion de rencontrer les élus, de leur présenter notre projet et de tisser toute une série de partenariats que nous n’aurions pas noués autrement. Nous sommes le seul établissement public de formation à avoir été labellisé dans le cadre de ce programme national, et cela a vraiment été moteur pour travailler avec les collectivités.

Notre intérêt de travailler avec la nouvelle agence, c’est que l’ensemble des services avec lesquels nous avions l’habitude de collaborer ont été regroupés, ce qui nous donne un interlocuteur presque unique. Aujourd’hui, dans les villes moyennes comme dans les territoires d’industrie, nous travaillons avec l’ensemble des acteurs. Et l’ANCT nous facilite la tâche pour développer nos actions.

Souvent, il y a un scepticisme sur la capacité des institutions publiques à réagir. Or, Action Cœur de Ville illustre vraiment la mission de service public en mode projet. Et cela marche parce qu’il y a, à la fois, une demande forte des élus, des forces économiques des territoires et une politique publique de soutien à la formation professionnelle.

Comment élaborez-vous une offre de formation adaptée aux besoins réels des territoires ?

Nous mettons, côte à côte, tous les besoins d’inclusion sociale d’une collectivité avec les besoins de développement économique des entreprises. Et ce travail s’effectue à deux niveaux : au niveau des équipes du programme bien sûr, mais aussi ville par ville pour que nos centres ne soient pas « hors sol » ni décontextualisés des besoins et des réalités du terrain. Par exemple, en Guyane d’où je reviens, j’ai rencontré toutes les équipes municipales pour étudier ensemble comment porter le projet de Saint-Laurent du Maroni.

Sur le terrain, nous travaillons sur un scénario décliné par une entreprise de travail temporaire afin d’analyser la situation et de scénariser les besoins en emploi, territoire par territoire. Ensuite, nous investissons beaucoup sur le côté évolutif de nos formations, quitte à en créer de nouvelles ou à les adapter, selon les besoins du bassin d’emploi et le niveau de qualification des habitants du territoire.

En audio

Niort, Cherbourg, Chalon-sur-Saône : Olivier Faron, administrateur général du Cnam, présente des formations adaptées aux besoins de ces villes du programme Action Cœur de Ville.

Le Cnam va lancer un deuxième appel à manifestation d’intérêt (AMI). Quelles sont les perspectives ?

Aujourd’hui, nous travaillons à la création des 55 premiers centres de formation de notre programme labélisés Au cœur des territoires. Notre premier AMI avait été tourné, avant tout, vers les 222 villes moyennes d’Action Cœur de Ville. Et, depuis septembre dernier, quatre villes lauréates ont déjà inauguré leur centre : Quimper, Vierzon, Châlons-sur-Saône et la toute première, Chaumont.

Au coeur des territoires
Le Cnam annonce les 55 premières villes lauréates, le 26 septembre 2019, en présence (de gche à dte) des ministres Muriel Pénicaud, Frédérique Vidal et Jacqueline Gourault.

 

À la fin du mois de mars, nous lancerons un deuxième AMI, qui s’appuiera sur le levier du programme Territoires d’industrie comportant un volet formation et apprentissage. Nous souhaitons mettre l’accent sur ce programme que pilote l’ANCT, car nous considérons que la montée en compétences est l’un des outils de la réindustrialisation des territoires.

Pour construire notre offre de formation et ouvrir un espace d’accès à la formation, il faut entre trois et douze mois, selon l’état d’avancement du projet sur le territoire. Le programme Territoires d’industrie a déjà permis d’identifier des besoins avec les entreprises et les collectivités, ce qui fera gagner du temps.

À lire
Former d’Olivier Faron et Thibaut Duchêne, préface de Jean Arthuis. Éd. L’Aube. 17 euros.

Voir la liste des 55 villes lauréates d’Action Cœur de Ville.
 

Le site du CNAM

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