Fabrique prospective

Le tourisme durable, un atout pour les territoires ruraux

Paysage de moyenne montagne, avec de grandes prairies vertes et un plateau calcaire en fond.
DR Arnaud Bouissou / Terra

Première destination mondiale du tourisme, la France voit ses visiteurs se concentrer sur 20 % de son territoire. Or, le tourisme responsable représente une opportunité pour nombre de territoires hors des sentiers battus. Pour élargir ce potentiel, l’ANCT mène donc une Fabrique prospective, jusqu’en mars 2023, avec quatre EPCI peu ou pas touristiques, mais aux atouts naturels certains. Témoignages d’élus.

Communauté de communes Cœur du Var (83)

11 communes – 45 000 habitants

Portrait en buste de Marjorie Viort. Elle porte une veste claire et a les cheveux mi-longs.
Marjorie Viort est aussi conseillère régionale et maire du Thoronet. DR N. Kharbache/ANCT

Qu’est-ce qui a incité votre communauté de communes à s’engager dans cette Fabrique prospective ?

J’avais lu un article sur l’ANCT et sur ses Fabriques prospectives, dans une revue destinée aux maires. Du coup, j’ai moi-même sollicité l’ANCT, à l’inverse des autres EPCI du programme qui ont été choisis par les partenaires nationaux de la Fabrique prospective.

Au départ, ma demande concernait ma commune. En effet, nous possédons un site remarquable avec l’abbaye du Thoronet, mais nous avons du mal à capter les visiteurs sur le village. Mais, au vu du sujet de la Fabrique, il était évident d’étendre cette demande au niveau de tout l’EPCI.

J’ai donc fait une lettre de cadrage pour notre communauté de communes, dans laquelle j’ai vanté les mérites de notre territoire. Nous souhaitons aller vers un « slow tourism », un tourisme durable. À l’issue, nous avons eu la chance de rejoindre ce dispositif, qui a fait l’unanimité au sein de Cœur du Var.

Pouvez-vous nous le présenter ?

Notre territoire dispose de plus de 46 % de zones naturelles, avec des zones agricoles et d’autres protections, type Natura 2000, Znieff, la réserve des Maures et des points d’eau. Il est donc très préservé, et nous voulons protéger ses aménités naturelles, tout en développant le tourisme.

Quel est l’enjeu pour vous ?

Notre communauté de communes manque d’identité, car elle regroupe 11 communes différentes les unes des autres. Nous avons besoin de lien, besoin de trouver un sentier d’itinérance pour les relier, par exemple.

Par ailleurs, post-Covid, nous avons eu du mal à gérer l’affluence des personnes venues des territoires proches, car nous sommes à une heure de la mer, avec Saint-Tropez, et à une heure du Verdon ainsi que, à l’est et l’ouest, à une heure de Nice et de Marseille. Cet afflux a créé des problématiques lourdes, en termes d’acceptabilité par nos habitants à cause du stationnement, de la gestion des déchets et de l’eau…

Nous avions besoin d’être aidés pour créer un modèle économique et une prospective sur le temps long. La Fabrique prospective de l’ANCT y répond, avec sa partie audit et travail en commun. Elle met tout le monde autour de la table, avec des partenaires institutionnels et des professionnels du tourisme, pour travailler sur les labels.
L’ANCT nous aide à réfléchir à un modèle, car il ne faut pas que les habitants se sentent exclus, mais qu’ils y voient une opportunité économique, sans perdre l’authenticité du territoire.

Que vous apporte le travail mené avec d’autres collectivités au cours de cette Fabrique prospective ?

Nous avons des problématiques communes même si nos territoires sont géographiquement différents. Par exemple, en termes d’hébergement, nous sommes tous un peu sous-dimensionnés. Nous devons tous faire face aux différents usages de l’eau, comme on l’a vu cet été. Nous partageons nos expériences…

Certains parlent de taxes incitatives dédiées à un tourisme vert. Tout ne sera pas retenu, mais le but est de trouver un modèle qui puisse se dupliquer sur les autres territoires, en l’adaptant.
C’est vraiment le moment de travailler sur le tourisme responsable et sur les enjeux environnementaux, surtout dans un territoire comme le nôtre où, auparavant, les gens n’étaient que de passage.

Et, je ne le cache pas, nous avons aussi une visée économique. Notre but est de capter un peu des touristes dont bénéficient le bord de mer ou le Verdon, de les retenir sur notre territoire et de faire vivre nos commerçants et nos hébergeurs.

Nous sommes au carrefour de la mer et de la montagne. Nous souhaitons profiter de cet atout pour développer une culture du tourisme et de l’accueil, chez nous, à l’instar de ce que font les domaines viticoles avec l’œno-tourisme, dans le rosé, par exemple.
L’enjeu est donc de trouver un juste milieu entre le tourisme de masse – dont les gens ne veulent plus d’ailleurs – et un tourisme local soutenable.

Quels sont les freins à lever ?

Les freins sont multifactoriels. Il faut faire évoluer les mentalités – stop à la mauvaise image du touriste ! – et être force de proposition pour faire bouger les choses. En tant que petite collectivité, nous avons des problèmes d’ingénierie, de méthode pour impliquer les habitants. Nous avons besoin de mener une réflexion d’ensemble sur la mobilité, les équipements, les hébergements…

Faire partie d’un dispositif comme la Fabrique prospective est une aide précieuse.

Zoom sur...
La Fabrique prospective intitulée « Le tourisme responsable, une opportunité pour valoriser les aménités naturelles des territoires » est articulée aux programmes Ruralités et Montagne de l’ANCT. Avec cette démarche, l’Agence et ses partenaires accompagnent quatre communautés de communes pour les aider à valoriser leurs aménités naturelles et à les protéger, dans le cadre d’une stratégie touristique responsable.

En savoir plus

Communauté de communes Sud de Mayotte (976)

4 communes - 30 900 habitants

Portrait en buste d'Ali Moussa Moussa Ben. Il porte une veste et une cravate bleu foncé.
DR N. Kharbache/ANCT

Qu’est-ce qui a incité votre communauté de communes à s’engager dans cette Fabrique prospective consacrée au tourisme durable ?

La communauté de communes Sud est un EPCI très jeune. Et nous sommes en train de travailler sur le schéma directeur d’aménagement touristique de notre territoire. Intégrer cette Fabrique prospective a été, pour nous, une occasion en or !

Cette participation nous permet de voir l’évolution dans ce domaine et de rattraper ce que les autres collectivités ont commencé un peu plus tôt que nous pour prendre le virage du tourisme durable.
Nous sommes tous concernés par le changement climatique que l’on observe. Il est donc important d’intégrer, dès le départ, notre démarche dans un développement responsable.

Qu’attendez-vous de ce travail collectif ?

Il est intéressant de voir ce qui se passe ailleurs, même si ce n’est pas comparable puisque Mayotte est une île et n’est pas située aux abords de l’Hexagone. Mais, cela nous permet d’avoir des idées, de réaliser la valeur de notre territoire et aussi d’appréhender comment le valoriser dans le domaine du tourisme.

Travailler avec d’autres collectivités, métropolitaines, nous permet de faire mûrir notre réflexion car certains enjeux nous rapprochent. Par exemple, l’hébergement des touristes, l’organisation des infrastructures et le stationnement ou, encore, la gestion des déchets… Ce sont des problèmes que l’on vit aussi, même si notre développement n’est pas comparable.

Quel est le projet phare de votre schéma directeur d’aménagement touristique ?

Même si le comité de pilotage vient de valider la dernière phase d’étude, le travail est toujours en cours, voire va commencer, car nous allons rentrer dans une phase un peu plus pré-opérationnelle. Nous avons beaucoup de projets, et nous souhaitons déployer au mieux le plan d’actions sur le terrain.

En attendant, notre fil rouge, c’est notre positionnement : « Le Sud, perle de Mayotte, dans un écrin naturel et culturel d’exception ». Nous aspirons à devenir une destination écotouristique fondée sur deux piliers :
•    une nature unique et préservée ;
•    une dimension culturelle et humaine (rencontres, savoir-faire, art de vivre…)

Pour l’heure, nous travaillons déjà avec nos acteurs socio-professionnels sur des activités autour des plages pour développer le tourisme bleu : sorties en bateau, restaurants…

Le fil conducteur est de veiller à sauvegarder la nature, car Mayotte a beaucoup d’atouts naturels, notamment deux espèces de tortues marines, qui attirent les visiteurs. Notre démarche est donc de travailler avec les touristes, de permettre quelques visites mais, en même temps, de protéger notre biodiversité. Cette richesse nous permet de promouvoir un certain tourisme.

Repères

La France est la première destination touristique mondiale. Et l’été qui vient de s’écouler a été marqué par une fréquentation touristique au-dessus de son niveau d’avant crise, avec un chiffre d’affaires en hausse de 14 % dans l’hébergement et la restauration, indique l’Insee. Mais l’activité touristique se concentre sur 20 % du territoire français.

Note Insee

Communauté de communes Lauragais-Revel-Sorèzois (11-31-81)

28 communes – 22 000 habitants

Portrait en buste de Martine Maréchal, cheveux mi-longs et écharpe colorée autour du coup
DR N. Kharbache/ANCT

Qu’est-ce qui a incité votre communauté de communes à s’engager dans cette Fabrique prospective ?

Le tourisme est un axe important pour notre intercommunalité en matière de développement économique et d’attractivité, tant pour nos habitants que pour le public externe. Par ce biais, nous recherchons à protéger notre patrimoine bâti, historique et naturel. Nous souhaitons le valoriser au mieux tout en le protégeant. Et, pour nous, il est important de couvrir ces deux aspects.

La Fabrique prospective nous permet de réfléchir avec trois autres intercommunalités à cette feuille de route qui n’est pas facile à tracer, du fait de nombreuses complexités. Réfléchir ensemble nous permet de ne pas faire d’erreur et d’avancer vers ce qui est attendu dans le futur.

Quelles sont les complexités que vous évoquez ?

Ce sont les évolutions en cours. On vient d’en vivre une avec la pandémie, mais aussi le réchauffement climatique. Au vu de ce contexte, il ne faut pas se lancer dans un programme de développement touristique tête baissée. Je pense qu’il est nécessaire d’étudier ensemble les expériences d’autres territoires et ces problématiques environnementales.

Hors des temps de rencontre de la fabrique, restez-vous en réseau avec les collectivités participantes ?

Nous sommes en réseau avec les collectivités voisines, avec nos partenaires départementaux et régionaux. Mais, c’est utile de croiser nos projets avec des collectivités d’autres régions que la nôtre, avec des territoires différents de ceux qui nous sont proches.

Nous nous rejoignons par nos problèmes d’identification de nos projets en étant plutôt défiants devant les actions à mener. Les échanges au sein de la Fabrique et les réactions des autres participants nous incitent à avancer.

 

Communauté de communes Cœur de Savoie (73)

41 communes – 37 100 habitants

Portrait en buste de Jean-François Duc, pris en exétieur, en chemise bleue, cheveux blanc.
Jean-François Duc est aussi conseiller départemental et maire de La Trinité. DR

Qu’est-ce qui a incité votre communauté de communes à s’engager dans cette Fabrique prospective ?

Tout d’abord, nous avons été surpris que notre territoire, où le tourisme n’est pas très développé, soit retenu par l’ANCT. C’était un honneur pour nous, et nous ne nous sommes pas fait prier pour rejoindre la Fabrique prospective !

En effet, en 2019, l’étude touristique conduite sur Cœur de Savoie portait essentiellement sur la gouvernance, l’organisation et les pistes possibles de développement, mais pas sur les aménités naturelles de notre territoire. D’où notre intérêt d’entrer dans cette démarche et de saisir cette opportunité qui s’offrait à nous.

Sur notre territoire rural, les aménités sont nombreuses : la forêt, l’eau, la neige, le patrimoine, les collines, la haute montagne, une riche biodiversité… Mais comment mettre tout cela en tourisme ? Notre stratégie, axée sur l’agritourisme responsable, nous amène à travailler avec les viticulteurs et agriculteurs qui sont en circuits courts.

De même, l’attrait des habitants et des visiteurs pour la nature a fait émerger un besoin de travailler sur les activités de pleine nature qui sont, malheureusement, la cause de nombreux conflits de cohabitation des usages, en particulier avec les forestiers et agriculteurs.

Ce partage de l’espace est une vraie problématique qu’il faudra traiter de manière concertée avec tous les acteurs. Tâche difficile sur un territoire où le tourisme n’est pas l’économie première et qui a vu la fermeture de Val Pelouse, leur seule et unique station de ski.

Quels sont les enjeux touristiques de votre territoire, aujourd’hui ?

Les défis en termes touristiques ne manquent pas. Au-delà des conflits d’usage déjà évoqués, la mécanisation de l’agriculture amène l’abandon des terrains en pente. Cela conduit à la fermeture des paysages – c’est-à-dire à l’extension des surfaces boisées au détriment des espaces agricoles, ce qui participe au recul des paysages remarquables dits « ouverts » – et à leur banalisation.

Dans les villages, les municipalités font des efforts d’embellissement, mais elles aimeraient aussi que les habitants fassent de même pour rendre le territoire plus attrayant. Un gros travail de prise de conscience reste à mener.

Par ailleurs, Cœur de Savoie est confronté à un manque d’hébergements touristiques même si, depuis quelques années, les gîtes et chambres d’hôtes se développent grâce aux aides du département. Un regret, cependant, beaucoup de porteurs de projets (hébergements insolites) nous sollicitent mais ne peuvent pas s’installer, faute de foncier disponible. Une réflexion sur les règles d’urbanisme devrait être menée avec les élus pour permettre l’installation d’hébergements réversibles (yourtes, cabanes…)

Au regard des enjeux de transition écologique, le défi premier est la mobilité. Seulement la moitié du territoire est desservie par le train, ce qui oblige habitants et visiteurs à se déplacer en voiture. Depuis peu la communauté de communes travaille sur un schéma de déplacement et le covoiturage, ce qui devrait améliorer les choses.

Qu’attendez-vous de ce travail collectif ?

La Fabrique prospective permet, dans le cadre des séminaires locaux, de rassembler un grand nombre de personnes qui connaissent bien le territoire et qui ont envie de le rendre plus attractif. Avec l’aide précieuse du bureau d’études Voltere financé et piloté par l’ANCT, le dialogue est toujours nourri et constructif. Rien de comparable avec une commission tourisme pilotée par un élu !

Quant aux séminaires intersites, ils permettent un travail collaboratif avec les partenaires sur des problématiques communes et, surtout, un échange d’expériences. Pour moi, c’est la vraie plus-value.