Entretien avec Raphaël Michelet et Thomas Fages

Favoriser le retour à l’emploi dans le bassin de vie de Charmes

Raphaël Michelet et Thomas Fages

Dans les Vosges, la ville de Charmes détient un taux de chômage élevé. Or, de nombreux postes sont à pourvoir.

Pour résoudre cette difficulté, la mairie et la communauté d’agglomération d’Epinal ont lancé une initiative destinée à favoriser le retour à l’emploi.


Raphaël Michelet, maire de Charmes et Thomas Fages, chef de projet PVD reviennent sur les motivations d’une telle expérimentation. Grâce à un travail mené avec les acteurs territoriaux de l’emploi, un bilan des besoins des entreprises et de leurs difficultés a été mené, avec en ligne de mire des actions telles que la mise en place d’un " job dating inversé ". Une initiative qui "sans la présence du chef de projet PVD ", n’aurait jamais « pu avancer aussi vite ! ".

Pourquoi une telle initiative ? A quels besoins territoriaux entend-elle répondre ?

A Charmes, le taux de chômage est plus élevé que dans le reste du territoire, et le taux de pauvreté également. Un non-sens quand on sait que les entreprises n’arrivent pas à recruter et que plus de 80 postes sont à pourvoir actuellement sur la commune de Charmes !

70 % des entreprises déclarent avoir du mal à recruter, notamment dans l’industrie, et le commerce. Les profils d’agents de montage, opérateurs sur machine, conducteurs de ligne ou encore de magasiniers manquent à l’appel. Les raisons sont multiples pour les responsables et chefs d’entreprises : déficit de formation dans ces domaines, exigences accrues des candidats quant aux conditions de travail, manque d’attractivité de la ville de Charmes et de certains métiers, rémunération…

Il est évident qu’agir pour l’emploi, c’est aussi participer à redynamiser notre centre-bourg. Par conséquent cette action s’inscrivait pleinement dans notre dynamique de projet de territoire Petites villes de demain.

Quelle méthode avez-vous utilisée pour mener à bien ce projet ?

La compétence relative à l’emploi relevant de la communauté de commune d’Epinal, nous avons sollicité Cédric Haxaire, vice-président de l’agglomération en charge de l’économie, et son équipe à la CAE pour leur faire part de notre volonté. Très rapidement, ils nous ont présenté au SPET (Service public de l’Emploi territorial), un réseau qui rassemble tous les acteurs de l’emploi local et qui est piloté par la préfecture des Vosges. Après avoir unanimement salué notre initiative, ils nous ont proposé de nous accompagner pour lancer une action en faveur du recrutement.

La première étape était de connaître les besoins et le ressenti des entreprises du bassin de vie de Charmes. C’est pourquoi nous avons transmis un questionnaire à près de 200 entreprises composant le tissu économique local. Une trentaine seulement ont répondu, mais cela a tout de même permis de faire un état des lieux général des besoins et des difficultés rencontrées.

Une présentation des résultats a été faite à l’occasion d’une assemblée générale des entreprises locales, organisée en avril dernier. Chefs d’entreprises, responsables RH, CCI, France Travail, agglomération d’Epinal et associations des commerçants et des entreprises locales ont pu échanger et réfléchir ensemble à des solutions.  Le constat partagé était le suivant : les formats classiques de forum de l’emploi ou de « tourisme en entreprise » sont essorés. Ça ne « match pas suffisamment » comme le disait un directeur d’usine spécialisée dans la fabrication de ressort de précision. Il fallait donc proposer un nouveau format d’action et adopter une approche chirurgicale des besoins des entreprises mais aussi des candidats.

C’est pourquoi, la CCI, la CAE et France Travail nous ont proposé la tenue d’un « job dating inversé » en octobre prochain. Le temps d’une journée, les entreprises volontaires devront convaincre des candidats préalablement sélectionnés de les rejoindre.

Les acteurs de l’emploi se sont bien rendus compte que les méthodes de recrutement traditionnelles ne fonctionnent plus. Aujourd’hui, les rapports de force se sont inversés et ce sont plus aux entreprises de séduire les candidats à travers leur marque employeur, leur méthode de management et leur politique RSE.

Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

La principale difficulté réside dans le cloisonnement administratif des organismes publics. Charmes se situe dans le département des Vosges mais à la frontière de la Meurthe et Moselle. Les candidats potentiels au recrutement sont donc susceptibles de venir aussi de ce département. Or, aujourd’hui, rien ne nous permet de travailler de concert avec les acteurs de l’emploi d’un autre département comme avec France Travail, la CCI ou le Conseil départemental.  Les enjeux dépassent les frontières administratives et ils nous manquent aujourd’hui un moyen, une instance pour créer une coopération intelligente entre tous ces acteurs et les collectivités locales.  

Quel a été le rôle du programme « Petites villes de demain » de l’ANCT dans votre projet ?

Favoriser le retour à l’emploi ne peut se faire qu’en mettant en place les conditions globales d’attractivité du territoire. Et c’est ce que rend possible le programme, en permettant une prise de recul et une analyse pertinente des ressorts socio-économiques du territoire.

Avec PVD, nous avons posé un diagnostic, défini une stratégie cohérente et mis en place 15 actions ciblées, le tout dans une démarche globale de revitalisation.

Améliorer l’habitat et le cadre de vie, c’est séduire de nouveaux habitants.

Attirer de futurs candidats à l’emploi et faire rester les habitants déjà présents, c’est maintenir aussi les entreprises locales.

Faire des économies d’énergie, c’est pouvoir réinvestir l’argent dans les espaces publics et améliorer les mobilités actives pour se rendre au travail, au sport ou faire ses courses…

Tout est lié avec pour objectifs communs de renforcer le rôle de bourg-centre et d’améliorer la qualité de vie des habitants du bassin de vie.

Et sans la présence du chef de projet PVD, nous n’aurions jamais pu avancer aussi vite !

Quelles sont les prochaines étapes ?

La prochaine étape est, bien sûr, la tenue du « job dating inversé », le 10 octobre prochain. Accueilli dans la ville de Charmes, l’évènement sera mené en partenariat avec la CCI, France travail et la Communauté d’agglomération.

Nous avançons pas à pas pour engager une redynamisation globale : c’est une expérimentation qui s’étend sur le long terme.

Notre mot d’ordre est l’innovation : nous restons à l’écoute des évolutions de notre territoire pour proposer des solutions toujours plus adaptées. Il faut espérer que l’État, la Région et le Département maintiennent leur soutien au programme Petites villes de demain pour nous aider à aller jusqu’au bout.