Interview croisée

Objectiver et mesurer le potentiel touristique des territoires français

Portraits A.Jouandet et X.Baumont

Le 28 juin dernier, lors d’un wébinaire, l’ANCT et la Scet ont présenté leur étude sur les « Dynamiques territoriales en matière de tourisme ». Avant ce séminaire sera l’occasion de présenter la feuille de route de l’ANCT pour le tourisme, Amélie Jouandet-Milhau, référente tourisme à l’Agence, et Xavier Baumont, directeur du pôle des Projets de territoires à la Scet, nous en exposent les principaux enseignements.

Qu’entendez-vous par « dynamiques territoriales du tourisme », thème qui fait l’objet de l’étude présentée le 28 juin ?

Xavier Baumont : Chaque année, des flux de touristes importants se concentrent sur quelques zones géographiques (littoral/montagne) et saisons (deux mois d’été et quelques semaines en hiver). Toutefois, le tourisme est une pratique qui évolue et se diversifie au gré des nouvelles offres et de facteurs exogènes (crise sanitaire, aléas climatiques, etc.).

Ainsi, les dynamiques territoriales du tourisme sont analysées pour détendre la pression touristique sur les territoires les plus fréquentés, développer une activité économique sur des territoires qui présentent un potentiel inexploité et permettre à ceux qui ne partent pas en vacances (un tiers des Français) de pouvoir le faire.

Amélie Jouandet-Milhau : Nous analysons l’activité touristique comme levier de développement des territoires, dans le cadre d’une approche infrarégionale voire interterritoriale. Par ailleurs, les rapports précédents concernant le développement du tourisme durable ont mis en exergue la nécessité de mieux répartir les flux, d’où cette thématique de « dynamiques touristiques territoriales ». La finalité est d’identifier et de proposer de nouvelles formes d’accompagnement pour la montée en puissance des stratégies locales en matière de développement touristique, mais aussi favoriser les interactions entre territoires. Par ailleurs, la crise sanitaire a accentué la volonté d’intégrer de nouvelles formes de dynamiques, innovantes et résilientes, axées sur le slow tourisme, par exemple.

Quels sont les principaux enseignements qui retiennent votre attention ?

X. B. : Nous avons cartographié le capital touristique du territoire français métropolitain à la maille communale. C’est une première en soi.

Nous constatons que les destinations, aujourd’hui les plus fréquentées, ne sont pas toujours les territoires qui présentent le capital touristique le plus important. Il existe encore de nombreuses poches touristiques sous valorisées, qui représentent autant d’espoir pour des territoires désireux d’assurer leur développement économique sur des bases objectives. Mais les collectivités locales ne pourront pas faire seules car leur attractivité relève aussi de compétences qu’elles n’ont pas, comme les transports.

A. J.-M. : Le parti pris de définir un potentiel touristique grâce à trois types d’atouts – capital naturel, culturel (au sens large et en intégrant la dimension événementielle) et gastronomique – étend le champ des possibles pour la valorisation et l’attractivité des territoires. Surtout, on identifie de nouvelles possibilités de développement touristique, à échelles purement locales (tourisme de proximité). Ces nouveaux usages impliquent de repenser plus globalement l’aménagement des territoires à la lumière de nouveaux enjeux.

Justement, quels sont les enjeux les plus prégnants, à votre sens, pour les territoires face aux grandes transitions ?

A. J.-M. : Les territoires sont, à la fois, confrontés à des enjeux liés à des évolutions de la demande (accessibilité, d’hébergement, animations événementielles, offres en lignes et connectées…), qui relèvent en partie de transitions structurelles : réduction de l’enneigement pour les territoires de montagne, nécessité de préserver la biodiversité et le patrimoine naturel en répartissant mieux les flux…

Pour relever ces défis, au-delà de l’éventuel soutien public en ingénierie et investissement, la coopération et le partage d’expériences sont indispensables.

X. B. : Je vois trois enjeux majeurs :

  • l’adaptation de l’offre touristique au réchauffement climatique. Les milliers d’hébergements touristiques construits il y a plus de quarante ans doivent être réhabilités pour limiter leur empreinte carbone ;
  • la digitalisation du secteur et l’usage des données relatives aux pratiques touristiques ;
  • la maîtrise par la puissance publique des leviers d’attractivité de son territoire (accessibilité, hébergements, taux d’équipement).

Comment cette étude s’articule-t-elle avec d’autres travaux sur ce secteur ? Quelle est sa particularité ?

X. B. : Cette étude permet d’objectiver et de mesurer le potentiel touristique des territoires français, en métropole. Elle est la première étape d’un travail qui a vocation à s’enrichir de nouvelles données pour qualifier toujours plus précisément notre capital touristique. Dans l’immédiat, elle a vocation à définir la doctrine d’intervention de l’ANCT en matière de tourisme et à accélérer sa mise en œuvre.

A. J.-M. : Beaucoup d’études récentes se focalisent sur ces grandes transitions, en proposant des analyses fines des phénomènes et des ébauches de solutions. Cette étude s’inscrit dans ce mouvement en se focalisant sur les territoires, leurs expériences et leurs enjeux en lien avec un ensemble de partenaires divers et apportant leurs expertises. Elle se poursuivra par la mise en place d’une Fabrique prospective sur l’écotourisme, intégrée au volet connaissances de la feuille de route tourisme de l’ANCT. Celle-ci accompagnera quatre territoires à potentiel touristique dans l’élaboration d’une stratégie de tourisme résilient.

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DR ANCT/Scet