Réaliser des transects et construire des fresques de territoire

La méthodologie du transect est une analyse in situ d’un territoire, qui vise à saisir empiriquement les dynamiques de la fabrique des territoires, leurs interactions et leurs frottements. Au carrefour d’enjeux sociaux, spatiaux, et écologiques, le transect est une approche singulière qui s’éloigne du plan et de la carte pour s’intéresser au récit des lieux.

Organiser un transect, pour quoi faire ? 

Le transect est un outil qui favorise l’intelligence collective par l’analyse du territoire sous différents angles (aménagement, usage, paysage…). En organiser peut être utile dans différents cas :

  • Lors de la réalisation d’un diagnostic. Première étape de la majorité des grands chantiers entrepris par une collectivité (SCoT, PLU…), le transect permet de mêler les différents acteurs et, au plus proche du terrain, de rendre compte de manière plus opérationnelle des grands défis auxquels le ou les territoires traversés font face.
  • Lorsqu’il y a besoin d’une réflexion collective sur un projet / sur un sujet, particulièrement en phase amont (récolte des besoins, des récits, préfiguration des idées). Le transect, par le mouvement qu’il crée peut permettre de favoriser une parole plus libre et surtout plus collective, ce qui peut s’avérer utile sur certains projets.
  • Lors des phases de concertation. Le transect, est une méthode accessible, et qui peut s’adapter à chaque public. Le temps de marche peut être l’occasion d’échanger avec le public concerné (habitants, entreprises…) afin de sensibiliser, d’expliquer ou encore de recueillir les avis et usages des concernés. Le temps de restitution peut, toujours sur la base de l’intelligence collective, permettre de faire évoluer un projet dans le bon sens en le rendant plus acceptable ou en améliorant ses orientations.

LES GRANDS PRINCIPES

  • La marche, qui permet d’appréhender la matérialité des paysages, des projets d’aménagement, des distances.
  • La coupe. Le principe d’un transect est de tracer une ligne droite entre un point A (départ) et un point B (arrivée), et de tenter de suivre cette ligne sur le territoire ; tours et détours seront nécessaires au fil des anfractuosités du territoire : c’est ce qui fera la richesse du transect (qu’est-ce qui a provoqué le détour ? Comment on a pu contourner l’obstacle ?). A rebours d’une balade paysagère, le transect se confronte à la diversité des formes urbaines et rurales, à la matérialité du paysage.

Exemple : Point A : Gare de Neuville / Point B : Ferme « Le potager de l’Aubinière »

transect
  • La prospective : le transect se construit autour d’une question posée au groupe, qui oriente les échanges et les débats portés sur le territoire : il propose d’observer un territoire et de penser son devenir.
  • Le collectif : loin d ‘être un exercice solitaire, le transect se nourrit directement des échanges entre les membres d’un groupe, des rencontres faites lors de la marche. Les trajets sont souvent émaillés d’interventions d’acteurs locaux ((économiques, aménageurs, culturels, associatifs…), qui, loin de la posture du conférencier, ont pour objectif de susciter le débat, les questions, les remarques. Pour cette raison, les groupes doivent être de taille modeste (10-15 personnes dans l’idéal). Le groupe est mené par un « sherpa », animateur qui connaît le territoire et le trajet, dont le rôle est de veiller à la bonne mise en œuvre du transect (horaires, rencontres, protocole des exercices).
  • La restitution collective : la méthode du transect se déploie sur deux temps : un temps de marche et un temps, tout aussi important, de restitution collective des expériences partagées. Cette restitution peut se faire sur la base de cartes, de coupes, de frises, et vise à ce que les membres du groupe construisent ensemble le récit de leur transect.

animer un transect

Le rôle clé du sherpa

Le « sherpa » est le garant de la bonne mise en œuvre du transect (horaire, rencontre, éventuels exercices…), ainsi il a une bonne connaissance du territoire. L’animation du transect est laissée libre au sherpa qui peut s’approprier de nombreuses méthodes d’appréhensions des territoires, ou laisser les participants arpenter « librement » le trajet. En fonction des compétences au sein du groupe, il est aussi possible de proposer des exercices de croquis ou de dessins. L’ensemble de ces méthodes est présenté dans le paragraphe 3.2.

Pour commencer, le sherpa prend la parole pour introduire les enjeux clés de l’espace traversé, et l’esprit de la méthode proposée. Il peut s’appuyer sur des questions simples :

  • Où se trouve-t-on, quel trajet va-t-on faire ? Quelles seront les grandes structures paysagères traversées (éventuellement sur la base d’une carte/coupe du trajet)
  • Pourquoi le choix de ce trajet ? Quels sont les enjeux en terme de planification pour les acteurs locaux ?
  • Introduction de la question centrale du transect : qu’est-ce que cette coupe me dit de la petite centralité d’aujourd’hui, et de demain ?
  • Un rapide tour de groupe pour que chaque participant puisse se présenter peut être inséré dans l’introduction

Ensuite s’engage le parcours, ponctué d’arrêts plus ou moins fréquents et à des endroits pré-identifiés par le sherpa ou les organisateurs des transects. Pendant ces arrêts, le sherpa peut proposer des méthodes de description et de diagnostic sensibles aux participants (paragraphe 3.2), s’appuyer sur des documents (archives, planification, etc.) ou proposer l’intervention d’une personne du territoire (porteur de projet, association, habitant, professionnel, etc.) qui apporte son regard sur le sujet discuté par le transect.

Méthodes d'animations

Un transect est nourri du débat collectif et des expériences entre les participants. Inciter aux échanges peut être une des missions du sherpa. Dans tous les cas, le sherpa peut s’approprier de nombreuses méthodes d’appréhension des territoires :

  • La description sonore : inviter le groupe à appréhender le territoire autrement que par la vue, que révèle l’environnement sonore du territoire, quelques participants peuvent raconter un récit des bruits.
  • Le dos à dos : mettre deux participants dos à dos, chacun raconte ce qu’il voit / entend, une méthode intéressante notamment en zone de rupture (zone agricole / zone industrielle…)
  • Le jeu de cartes : mobilisable à chaque instant pour susciter le débat 

Clôturer le transect: la fresque du territoire

La méthode du transect appelle à un temps de restitution important, qui permet la formalisation d’un récit collectif, le croisement des regards entre les groupes.

L’élaboration d’une fresque (ou de plusieurs fresques si il y a eu plusieurs transects) permet de retracer le trajet parcouru en ouvrant les débats sur les formes urbaines et paysagères rencontrées mais aussi sur les dynamiques du territoire. Cette fresque peut se réaliser sur papier ou de manière numérique, et en fonction peut être nourrie de photographies, de paroles, d’impressions récoltées au cours du transect.

Cette fresque peut ensuite être restituée de manière orale. Une personne ou un binôme revient sur le trajet effectué en faisant le récit du trajet parcouru, des observations, questions et étonnements du groupe, permettant d’enclencher un débat collectif.

Les fresques peuvent ensuite être rassemblées, permettant une analyse plus profonde des enjeux évoqués lors des temps de marche. C’est aussi un support qui peut facilement être exposé voire enrichi lors de débats ultérieurs.

Déterminer un transect pas à pas: quelques conseils

Préparer le transect :

  • Préciser l’objectif ou la grande question du transect
  • Si cela est pertinent pour le transect, identifier les intervenants-clés pour chaque trajet, qui pourront être rencontrés par le groupe au cours du trajet.
  • Construire les trajets, identifier les lieux d’intérêt pour la journée, préparer un déroulé de chaque transect… mais laisser place à la surprise et à l’imprévu !
  • Identifier les membres du groupe (fermé) ou communiquer sur l’organisation des transects auprès des habitants (groupe ouvert)
  • Identifier les « sherpas » des groupes.
  • S’accorder sur une date et une heure commune, et se chausser confortablement

Le jour du transect :

  • Consacrer au trajet une durée fixe, et s’y tenir (mais cela peut aller d’une heure à une journée)
  • Consacrer un temps important à la restitution à chaud : c’est là que se construit le discours collectif et les éléments pour nourrir les réflexions et les résultats de la méthode. Essayer de faire cette restitution à l’intérieur, confortablement.
  • Prévoir des solutions de « repli » pour échanger pendant les parcours même en cas de pluie ou de météo peu favorable