Interview

« L’offre d’ingénierie de l’ANCT doit renforcer les projets locaux et faciliter leur montage »

ADF D. Bussereau - Crédit Damien Grenon

Ancien ministre de l’Agriculture, Dominique Bussereau préside l’Assemblée des départements de France. À la tête de la Charente-Maritime, il porte un regard sur la proximité de l’action publique des départements et attend un appui en ingénierie de l’ANCT.

« Les départements sont les mieux placés pour conduire des politiques d’insertion et de retour à l’emploi, dans la proximité. »  

Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France

La crise du Covid 19 a accentué la fragilité des populations les plus modestes. Que retenez-vous de la mobilisation des départements ?

La crise sanitaire que traverse la France a des retentissements économiques d’une rare gravité. Inévitablement, elle se double d’une crise sociale. Les départements qui incarnent, avec les communes, la proximité de l’action publique, l’ont compris très vite, eux, qui sont en première ligne.

Ainsi, dès les premières informations sur la gravité de cette nouvelle épidémie, ils se sont mobilisés pour assurer une continuité de service public. Ils ont immédiatement pris des mesures pour préserver toutes les formes d’accompagnement de nos concitoyens les plus vulnérables. Ils ont montré une très grande inventivité dans le déploiement d’actions concrètes (lire encadré).

Aujourd’hui, quels sont les principaux défis que doivent relever les départements pour relancer l’activité et la cohésion sociale sur leur territoire ?

Le défi est d’abord économique. Il est ensuite social. À l’évidence, les situations de précarité se sont considérablement amplifiées. Des personnes qui n’avaient jamais sollicité l’aide de la collectivité frappent, aujourd’hui, à la porte des départements. Les offres d’emploi ont chuté de 50 % par rapport à la situation existante (jusqu’à -70 % des offres d’activité salariée dans certains territoires). Conséquence inévitable, les dépenses de RSA progressent, dès maintenant, dans des proportions inquiétantes.

Ainsi entre mai 2019 et mai 2020, on note les évolutions suivantes : +5 % dans le Bas-Rhin ; +2,4 % dans l’Eure ; +6,8 % dans le Morbihan ; +3,88 % dans les Pyrénées-Orientales ; +3,64 % en Haute-Savoie ou +4,61 % dans la Vienne.

Rappelons que le financement du RSA a représenté plus de 11,1 milliards d’euros, en 2019. Les départements ont connu une hausse continue de ces dépenses de plus de 5 milliards d’euros entre 2008 et 2018, soit une évolution moyenne annuelle de +6,3 %. Cela ne peut plus durer.

Si l’on veut pouvoir continuer à venir en aide à nos concitoyens les plus en difficulté, il est indispensable que les départements disposent des recettes correspondantes. Ils sont les mieux placés pour continuer à conduire des politiques d’insertion et de retour à l’emploi, dans la proximité.

Quel rôle aura à jouer l’Agence nationale de la cohésion des territoires pour les accompagner et les aider à relancer leurs projets ?

L’ANCT doit apporter de l’ingénierie aux territoires qui en ont besoin. Elle pilote et définit les grands programmes nationaux (Action cœur de ville, France très haut débit, France services…). Elle a donc vocation à appuyer techniquement les départements qui en font la demande en apportant ses compétences spécialisées ou celles des autres agences avec qui elle est en réseau (Anah, Anru, Cerema, Ademe…).

Afin d’être efficace, l’action de l’ANCT doit d’abord répondre aux besoins du terrain et implique une parfaite articulation avec les Départements qui, quotidiennement, apportent de l’ingénierie aux communes et EPCI, subventionnent les projets locaux, mutualisent des moyens et réalisent des projets communs avec les collectivités de leur territoire. De très nombreux départements ont, d’ailleurs, déjà mis en place des plans de relance, afin d’accélérer la réalisation de leurs propres projets, mais aussi ceux des communes et EPCI.

L’ANCT doit compléter, si nécessaire, l’offre d’ingénierie déjà présente en évitant les doublons et les fonctionnements en « silo ». Elle doit permettre de renforcer les projets locaux en facilitant leur montage technique et financier. Ceci suppose une bonne coopération entre le département et le préfet.

En première ligne pour atténuer les impacts sociaux

Les 101 départements sont vite intervenus, en particulier dans le champ social, pour atténuer les effets de la crise sanitaire auprès de leurs habitants :
_aide aux étudiants en contribuant à une opération de distribution de repas, avec des associations d’aide sociale, le Crous et la Caf ;
_fonds exceptionnel de soutien au secteur associatif (avec maintien de subventions, y compris pour des événements annulés) ;
_dispositifs d’aide d’urgence (acheminement de produits, réouverture de cantines scolaires, bons solidaires, dons de denrées alimentaires et de produits d’hygiène de première nécessité) ;
_mise à disposition de moyens humains, matériels et logistiques et de solutions d’hébergement auprès d’associations qui viennent en aide aux plus démunis ;
_assouplissement des règles d’octroi des aides personnalisées et mise en place d’aides financières complémentaires d’urgence ;
_aide alimentaire d’urgence, financée par le département, sous forme de bons d’achat par les communes, EPCI, les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS et CAIS)…

En savoir plus : http://www.departements.fr/

Crédit : Damien Grenon